Les enjeux de l’intelligence artificielle dans le contexte municipal

L’intelligence artificielle, par ces capacités d’améliorer la productivité, d’enrichir l’offre de service, et d’aider les décideurs à mieux comprendre et exploiter les données, s’invite dans toutes les organisations. La fonction publique au sens large et le monde municipal en particulier peuvent être de grands bénéficiaires de cette révolution technologique. Examinons la question ! 

Cet article a été rédigé dans le cadre de mes activités au Centre de Recherche Informatique de Montréal pour être publié dans la revue Génial, dans un dossier spécial L'IA au service du Génie urbain.
https://www.aimq.net/genial-la-revue/#genial-la-revue-132/1/

L’Intelligence artificielle, terme générique, décrit une vaste gamme de méthodes, de technologies, d’algorithmes dont la finalité est d’automatiser des tâches qui habituellement pourraient être conduites par des humains.  

Plusieurs familles de technologies d’intelligence artificielle cohabitent et leur diversité permet de remplir des missions très diverses : classer ou décider, traduire ou écrire un document, analyser des données, extraire ou trouver des informations, produire des images par exemple.  

L’apprentissage automatique est l’une de ces familles. Elle regroupe des algorithmes, dont le deep learning fait partie. Ces algorithmes, en utilisant des données, permettent d’entraîner des modèles. Ces modèles pourront avoir des missions variées : prendre une décision, classer une information ou un document, choisir la meilleure solution.  

D’autres familles de technologie, telles que les modèles génératifs sont capables d’écrire des textes, de produire des traductions, d’analyser des documents ou de produire des images. 

L’IA un atout pour les services aux citoyens

Dans un contexte économique ou l’amélioration de la productivité, tout en maintenant une qualité de service irréprochable, l’intelligence artificielle peut offrir des services améliorés ou nouveaux aux citoyens.  

Ces citoyens, de plus en plus autonomes avec les technologies digitales (applications mobiles, gestion de demandes et de services par Internet) et qui par conséquent deviennent plus exigeants. Habitués aujourd’hui à ce qu’une décision de crédit hypothécaire puisse être obtenue en ligne en quelques minutes, ou que l’accomplissement d’une formalité de base avec un commerçant puisse être conduite avec un agent conversationnel sans avoir à subir de longues attentes téléphoniques, l’usager de services publics tends à exiger le même niveau d’agilité et d’efficacité lors de l’accomplissement des formalités en lien avec un service public.  

Amélioration de la vitesse de prise de décision, efficacité des agents avec lesquels il interagit, bonne gestion des fonds publics, nombreuses sont les fonctions d’une municipalité qui peuvent être améliorées, augmentées, voir pour tout ou partie prises en charge par l’intelligence artificielle.  

Quelques exemples. S’il n’est pas toujours possible d’automatiser complètement une tâche impliquant une décision, il est souvent possible d’en prendre en charge une partie avec l’intelligence artificielle.  

La délivrance de toutes les formes de permis, de subventions, et plus généralement toute forme de tout type de décision en relation avec une demande d’administré, en est un bon exemple : dans de nombreux cas d’usage, l’autorisation est une simple formalité et seul quelques demandes requièrent une analyse humaine poussée. Il serait possible d’imaginer une délivrance de permis de construire ou de démolir automatisée dans 90% des cas, grâce à un système d’intelligence artificielle, capable par ailleurs de requérir une intervention humaine pour les 10% de cas restants.  

On peut imaginer aisément la transformation de la relation entre une municipalité et ses administrés que pourrait apporter l’IA, si celle-ci était capable de leur donner une décision – aujourd’hui traitée manuellement en semaines, voire des mois – instantanément, en ligne en quelques secondes ! Les banques en sont capables, les assurances en sont capables. Dans certains pays à forts investissements publics dans la digitalisation et l’utilisation d’intelligence artificielle comme l’Estonie, 2500 services dont 500 à destination des citoyens sont donnés en ligne.  

L’IA pour améliorer le fonctionnement de l’organisation 

L’IA peut aussi produire des effets importants dans le fonctionnement de l’organisation. L’Interaction automatisée avec l’usager en utilisant des agents conversationnels, qui peuvent aujourd’hui être vocaux, c’est à dire qui peut parler, au téléphone, en est un exemple. Mais une multitudes d’autres activités peuvent bénéficier de l’IA.  

Production de documents, traductions de qualité, en utilisant l’IA générative, bonne gestion des archives, de l’accès à l’information. Les gains produits par l’intelligence artificielle, on le voit, peuvent bénéficier à la productivité de l’organisation dans son ensemble.   

Les méthodes de gestion de grands volumes de données peuvent aussi aider les organisations à mieux gérer leurs actifs. Des outils très sophistiqués – qui intègrent l’IA – aident aujourd’hui des agents publics à optimiser la gestion du patrimoine immobilier de grandes villes ou à améliorer la maintenance préventive de ses équipements. La STM – opérateur de transport urbain à Montréal – par exemple, a mis au point de nombreux outils exploitant les données et l’IA pour améliorer la maintenance préventive de ses équipements. Avec des modèles d’IA correctement configurés, on peut prévoir la panne d’un bus, d’un métro, ou d’un véhicule de police, et changer la pièce préventivement.  

Même les arbres d’une ville peuvent bénéficier de l’IA ! Au Québec, la Chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM aide de nombreuses municipalités, en utilisant plusieurs méthodes d’IA, à gérer au mieux leur patrimoine sylvicole.  

Dans plusieurs pays d’Europe, l’administration fiscale par exemple utilise des méthodes à base d’Intelligence artificielle pour améliorer le recouvrement fiscal ou détecter les appels d’offres frauduleux. En analysant les données avec les algorithmes appropriés, il est possible d’identifier les fraudeurs et de réduire l’économie parallèle. 

Comment intégrer l’IA dans une municipalité 

Aujourd’hui l’intégration de l’Intelligence artificielle dans les organisations gouvernementales, et les municipalités n’y échappent pas, est souvent difficile. Le point commun de toutes les organisations publiques est d’avoir mis en place des solutions informatiques depuis des décennies. Des systèmes informatiques complexes, souvent assemblés sans stratégie coordonnée, sont devenus des difficiles à faire évoluer. Leurs données – essentielles pour déployer l’Intelligence Artificielle – sont souvent difficiles d’accès, et rarement documentés (ce qui les rends quasiment inutilisables).  

On a pu le voir avec le projet SAAQ Clic ou le logiciel de paye Phoenix, les investissements, la volonté publique, ne suffisent pas à rendre la transition digitale simple. Or la transition vers l’intelligence artificielle ne peut se faire qu’avec une base digitale solide fiable et correctement architecturée. Une infrastructure informatique moderne, capable d’évoluer, et dont les données sont accessibles et documentées.  

Si installer les modèles génératifs tels que Copilote de Microsoft est relativement simple et rapide puisque prise en charge en même temps que l’évolution des moyens bureautiques, il n’en va pas de même pour les applications d’IA plus innovantes. Et Copilote, ou plus généralement les technologies d’IA intégrées dans des applications de gestion telles que des CRM, SAP ou SalesForce, ne suffisent pas pour déployer toutes les applications innovantes que nous venons de décrire. Ils améliorent la productivité de l’individu, et l’efficacité de l’organisation, mais ne permettent que rarement de déployer des services innovants 

La principale difficulté pour l’organisation publique, et la municipalité ne fait pas exception, sera pour déployer les dernières technologies de l’IA et transformer radicalement l’expérience du citoyen, de repenser son système d’information et de s’adjoindre les compétences nécessaires pour penser différemment.

La municipalité du futur passe par l’IA ! 

On vient de le voir, une municipalité qui maximise les apports de l’Intelligence artificielle change radicalement son mode de fonctionnement, son image, et son rapport au citoyen. La population – aujourd’hui complément éduquée aux technologies digitales – deviendra de plus en plus exigeante sur ce point. Elle voudra bénéficier de services et d’échanges efficaces avec une administration informée et agile : c’est ce qu’elle obtient avec ses fournisseurs de services commerciaux. L’IA en sera une composante inévitable.